Le documentaire n'est pas un genre me donnant envie de me rendre dans une salle de cinéma, comme les comédies françaises, on peut le voir chez soi sans que cela nuit à sa réalisation, qui n'est généralement pas une de ses qualités. Puis, après avoir découvert Eddy Moniot et Elhadj Touré dans une émission, cela m'a donné envie de voir ce documentaire grâce aux bonnes vibes qu'ils transmettent à travers leurs regards, sourires et mots.
L'introduction donne le ton avec un jeune homme parlant de son admiration pour les discours de Nicolas Sarkozy, tout en se moquant du petit homme. Ce n'est pas fait avec méchanceté, il pointe les qualités d'orateur de l'ancien président de la république et va aussi citer le général De Gaulle. Il se dégage une forme de douceur et de bonne humeur durant ce moment, cela va être comme cela jusqu'à la fin.
On se retrouve au cœur d'un groupe d'une trentaine de personnes se préparant pour le concours d'éloquence du 93. C'est une joute oratoire sur un sujet précis avec lequel le participant doit aussi bien faire preuve de ses talents d'orateur et d'écriture. Cela ressemble plus à du théâtre, voir du stand-up où la mise en scène du discours est aussi importante que les mots. Ce sont avant tout des personnalités avec des sensibilités différentes et des parcours particuliers. On va découvrir certains d'entre-eux durant les cours devant leur permettre de perfectionner leur élocution et propos, mais aussi au sein de leurs lieux de vie. Ce n'est pas intrusif, car on ne reste jamais longtemps chez eux. C'est surtout une façon de mieux les comprendre et découvrir d'ou vient cette énergie qui les anime, tout en nous montrant qu'ils ne vivent pas forcément dans des tours, mais aussi dans des quartiers pavillonnaires et à la campagne. Une manière de combattre les clichés véhiculés par certains médias et partis politiques.
"Le langage est la capacité d'exprimer une pensée et de communiquer au moyen d'un système de signes", les participants vont devoir travailler sur leurs facultés à transmettre leurs idées en faisant bon usage des mots. Cela semble facile, mais c'est tout un travail sur la voix, l'élocution, l'attitude, la gestuelle, le rythme et l'écriture. L'avocat Bertrand Perier va les aider à argumenter et retranscrire leurs idées sur le papier, puis à haute voix. Un exercice soulevant l'enthousiasme par l’exubérance du bonhomme, évitant de faire preuve de condescendance ou de paternalisme, pour mieux les guider avec parfois des méthodes peu orthodoxes mais pétillantes. Le slamer Loubaki Loussalat leur apporte le plaisir de jouer avec les mots grâce à la poésie et ses slams avec ce magnifique extrait : J'invoque l'eau, j'associe l'eau à l'air pour obtenir l'or et ça coule de source. C'est une transmission du savoir de la part des aînés à une jeunesse bouillonnante et talentueuse qui ne demande qu'à apprendre et à exprimer son potentiel à travers différents arts.
La bonne humeur traverse l'écran et enveloppe le spectateur de son doux parfum enivrant. La vie au sein de ce groupe est paisible et la compétition passe au second plan. Ils sont tous animés par le même désir d'évoluer en puisant leurs forces dans une vie pas toujours facile. On est touché par l'admiration d'un fils pour son père atteint d'un cancer, sans que cela joue sur la corde sensible. Comme on va découvrir la difficulté de vivre décemment après l'incendie d'un appartement, avec un passage par la rue pour mieux se relever et relativiser ses problèmes. Il faut une force de caractère et une grande foi dans la vie pour continuer à avancer avec le sourire, tout en communiquant son bonheur à tout ceux qui vous entoure. La perte de parents, le déracinement et le regard des autres sont pesants pour eux, surtout qu'on pointe aussi leurs origines, religions et domiciliations. Ils puisent leurs motivations dans ce que la société appelle des "handicaps" et les transforment en des atouts leur permettant de mieux comprendre ce monde qui les entoure, en faisant preuve de bienveillance et intelligence.
On va prendre du plaisir en partageant un moment en compagnie de Leïla Alaouf, Elhadj Touré, Eddy Moniot, Souleïla Mahiddin, Kristina Marcovic, Kiss Sainte-Rose, Thomas Luquet, Camélia Kheiredine, Hanane El Mokhtar, Jeremy Diaz, Thomas Dedessus Le Moutier, Houda Chnabri, Franck Bikpo, Ouanissa Bachraoui, Yacine Ait Khelifa et leurs professeurs, sans oublier le réalisateur et créateur de ce concours d'éloquence Stéphane de Freitas avec le soutien de Ladj Ly. En plus de remporter le concours, la personne récompensée va avoir le plaisir de prendre dans ses bras l'une des membres du jury Leila Bekhti sous le regard de Kery James et Edouard Baer, cela n'est-il pas magnifique? J'en suis terriblement jaloux mais la joie d'assister à la séance prend le dessus et on en sort avec le sourire, ce qui est fort agréable.
